Vu par les enfants : L'école
En France, même si l’école n’est pas obligatoire (seule l’instruction l’est), la majorité des enfants est scolarisée. Nous avons eu envie d’aller à leur rencontre pour savoir quel regard ils portent sur l’école et comment ils y appréhendent le quotidien. Nous remercions chaleureusement Amélia, 6 ans et demi, en CP dans une classe à double niveau dans une Calandreta (école bilingue en occitan), et Mayeul, 9 ans et demi, en CM1 dans une école privée sous contrat, d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
- Grandir Autrement : À quel âge tu as commencé à aller à l’école ?
Amélia : À l’âge de 5 ans dans la Calandreta, l’école où je suis maintenant. Mais sinon j’ai commencé à aller à l’école avant, à 4 ans ou 3 ans, je ne sais plus.
Mayeul : À 3 ans dans une école de village et depuis cette année je suis dans une école de ville. - Comment cette décision a-t-elle été prise ? Était-ce à ta demande ou à l’initiative de tes parents ? En avez-vous discuté ?
Amélia : Je me souviens que c’est mes parents qui m’ont dit que je devais aller à l’école. Moi j’ai pas demandé à y aller parce que je déteste l’école ! Mais parfois, maintenant, j’aime bien, parce qu’on fait plein de choses, comme le mercat1, par exemple. Au début, quand j’ai commencé l’école, quand j’étais dans l’autre école, c’était bien, j’ai bien aimé, mais là, maintenant, j’ai trop l’habitude, alors je me dis « non, non, il faut que je reste toujours à l’école ! ».
Mayeul : C’est mes parents qui m’ont dit d’y aller. J’ai accepté sans me poser de questions car j’étais encore petit. - Qu’est-ce qui te plaît à l’école ?
Amélia : Ce qui me plaît le plus, c’est le mercat. C’est un marché où on achète des jouets. On les achète avec des petites pièces qui sont en fait des papiers avec des dessins. Par exemple, dans ma classe, c’est des papillons. S’il y a deux papillons dessinés dessus, ça veut dire que c’est le prix de deux. Dans les autres classes, c’est d’autres dessins. Par exemple, dans la classe de Kenan, mon frère, c’est des singes.
Il y a aussi le descantonat2 : on apprend des choses avec les autres. Parfois je suis avec Elisabeth, ma maîtresse, pour le descantonat, mais en fait on tourne alors, d’autres fois, je suis avec Cathy, ou avec Amélie, ou avec Laurent. Par exemple, avec Laurent, on écoute de la musique et on doit marquer ce qu’on ressent ; avec Elisabeth, on fait des massages, on fait des boules avec des papiers et, quand on est très en colère, on les jette, on les ramasse et on doit les déplier avec une seule main. On fait aussi des mandalas.
Mayeul : Les mathématiques, l’anglais, jouer au ping-pong en récréation ou à des jeux collectifs, aux Lego® ou aux Mikado avec mes amis en classe pendant les temps de pause entre deux activités. L’ambiance de classe est bonne et j’aime bien quand on rigole tous ensemble avec la maîtresse. J’aime bien quand toutes les classes de CM jouent ensemble et j’aime bien retrouver mon frère avec ses amis le midi à la cantine. - Qu’est-ce que tu n’aimes pas à l’école ?
Amélia : Le conseil : c’est un moment pendant lequel on critique les gens. Quand il y a quelque chose qui ne va pas, on en discute au conseil. Par exemple, si quelqu’un a fait quelque chose de dangereux, il doit payer. Et moi je n’aime pas ça parce que, parfois, après on n’a plus d’argent pour acheter des choses au mercat !
Mayeul : Je n’aime pas trop l’histoire, les sciences, et surtout l’orthographe. Je n’aime pas quand on doit faire beaucoup d’exercices à la suite car je n’arrive pas à suivre le rythme. Je n’aime pas non plus quand les enfants disent des gros mots et quand ils trichent. Je trouve ça pénible. - Te sens-tu libre d’en parler ? Avec tes parents, avec ta maîtresse ?
Amélia : Oui, mais je ne le dis pas. Pas parce que je ne veux pas mais parce que je n’y pense pas.
Mayeul : Oui car on règle les situations pénibles en classe et ça me fait du bien car c’est plus juste pour tout le monde. Je suis libre de tout raconter à mes parents parce que je sais qu’ils vont me donner des conseils. Mes amis m’en donnent aussi et je leur fais confiance, surtout à mon meilleur ami. - Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu changerais à l’école ?
Amélia : Qu’il n’y ait plus du tout de jours d’école ! Sauf le vendredi, mais le problème, c’est que le vendredi, c’est à la fois le jour du mercat (donc j’aime bien !) et le jour du conseil (donc j’aime pas)…
Mayeul : Qu’il n’y ait plus de bagarres ni d’enfants qui disent des gros mots et qui font du chantage, qu’il n’y ait plus de violence. Et aussi que ma deuxième maîtresse (pas ma maman, mais l’autre maîtresse) nous donne une pause en classe tous les jours et des doubles récrés. - As-tu déjà exprimé à tes parents le souhait de ne pas/de ne plus aller à l’école ? Comment ont-ils réagi ?
Amélia : Oui et ils me répondent que je dois y aller pour apprendre.
Mayeul : Oui, parfois. Ils me demandent pourquoi car ils veulent comprendre et ensuite on en parle. Si c’est à cause de ma fatigue, ils m’accordent de ne pas y aller. - En quoi l’école est-elle utile selon toi ?
Amélia : C’est utile pour apprendre, mais j’aime pas la façon dont on apprend.
Mayeul : À apprendre de nouvelles choses. On apprend aussi en dehors de l’école, mais c’est pas pareil. À l’école on découvre des amis et des jeux. - As-tu des devoirs à faire à la maison ? Comment cela se passe-t-il ? Trouves-tu cela utile, amusant, contraignant ? Es-tu accompagné.e par tes parents ?
Amélia : Oui, j’en ai. Ça m’ennuie. Quand il y a quelque chose que je n’arrive pas à faire ou que je ne comprends pas, j’appelle Papa ou Maman pour qu’ils m’aident. Mais parfois, quand ils travaillent, ils ne peuvent pas m’aider et après c’est trop tard parce que je dois aller me coucher, alors je ne fais pas mes devoirs. Mais quand je ne fais pas mes devoirs, après, à l’école, la maîtresse me gronde et je dois payer…
Mayeul : Oui, j’ai des devoirs. Ça se passe de mieux en mieux car je deviens autonome et donc je vais de plus en plus vite à les faire. Je trouve cela utile car si on fait des leçons à l’école, c’est pour les apprendre, sinon ça ne sert à rien. Je suis accompagné par mes parents, je peux leur demander de l’aide si je ne comprends pas quelque chose mais je préfère faire mes devoirs avec Maman car tout est bien fait et elle explique bien. - J’imagine qu’il y a des règles dans ton école : comment sont-elles décidées ? Est-ce que vous en discutez tous ensemble ou est-ce qu’elles sont imposées ?
Amélia : Quand je suis arrivée dans mon école, il y avait déjà des règles. On les a lues. Après, on doit les connaître et si on ne les respecte pas, on passe devant le conseil. On peut aussi proposer de les changer ou d’en faire des nouvelles mais on trouve qu’il y a déjà assez de règles comme ça.
Mayeul : Dans mon école il y a un règlement dans l’école et un dans la classe. Je le trouve bien fait. Si la bêtise est vraiment très grave, on va chez le directeur, sinon on se fait gronder. Mais tous les adultes ne grondent pas pareil… Quand on a un problème, on en parle à la maîtresse ou à nos délégués. Puis on règle le problème tous ensemble en classe et c’est bien car après le problème ne recommence pas. - Comment t’impliques-tu dans la vie de ton école, de ta classe ?
Mayeul : Il y a des délégués de classe mais moi je n’aimerais pas trop être délégué, d’abord parce que je viens d’arriver dans cette école, alors je ne connais pas grand-chose, et en plus il faudrait que j’aille voir le directeur si j’étais délégué, et ça j’ai pas envie.
Dans ma classe, j’ai ramené des Lego® pour jouer tous ensemble et un livre pour la bibliothèque. - Actuellement, en France, l’instruction est obligatoire à partir de 6 ans. Il est question qu’elle le devienne dès 3 ans. Qu’en penses-tu ?
Amélia : Je trouve que c’est une mauvaise idée. Parce que moi j’aime déjà pas l’école, alors…
Mayeul : Je trouve que c’est bien car on peut apprendre plein de choses à l’école et avoir plein d’amis pour jouer et discuter ensemble. - Si c’était toi le parent, comment ferais-tu avec tes enfants ?
Amélia : Ben je les mettrais à l’école !
Mayeul : Je les emmènerais à l’école à 3 ans. S’ils sont malades ou fatigués je les garderais à la maison. Si c’est autre chose, je leur demanderais pourquoi. - Voudrais-tu ajouter quelque chose ?
Mayeul : J’ai une année exceptionnelle car je suis dans la classe de ma maman. Mais je suis comme les autres : les élèves ne me posent pas de questions, ne me demandent pas le travail et ma maman ne me met pas plus de « bonus » qu’aux autres enfants de la classe. Elle est juste avec moi et ça c’est bien !
1 En pédagogie institutionnelle, les enfants travaillent (chacun a un métier dans la classe) et gagnent de l’argent (une monnaie propre à la classe) qui leur permet, le dernier jour de la semaine, de s’acheter quelque chose (en général des jouets dont les parents ne veulent plus et dont ils font don à l’école) au « marché » (le mercat).
2 Descantonat signifie « décloisonnement » en occitan, autrement dit quand les classes se mélangent.