Les Zenfants presque zéro déchet – Ze mission : entretien avec Bénédicte Moret, alias Bloutouf

Bénédicte Moret, alias Bloutouf, est autrice de BDs et illustratrice. Elle est aussi la maman de la famille presque zéro déchet. Chacun des livres proposés par cette famille adopte une forme spécifique à un public particulier, et ici à une tranche d’âge. Avec le livre Les Zenfants presque zéro déchet – Ze mission1, co-écrit avec son compagnon Jérémie Pichon, elle propose aux enfants des BDs, des infos en images, des jeux et des actions concrètes sans culpabilisation mais dans une démarche constructive et dynamique : « Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble pour l’environnement et le climat ? »

  • Grandir Autrement : Qui fait quoi dans la famille presque zéro déchet ?
    Bénédicte Moret :
    Dans ce livre, Jérémie a écrit et je me suis approprié la trame de ses textes. Après quatre livres, on a sorti début septembre notre jeu de société2, ce qui peut permettre de prendre de bonnes habitudes en famille à la maison de manière plus concrète encore, et en s’amusant ! Je joue énormément avec mes enfants et ça nous apporte beaucoup. Au niveau pédagogique, c’est un super outil. J’apprécie de pouvoir faire passer des messages encore d’une autre manière.
  • Vos enfants ont-ils participé à l’élaboration de ce livre destiné aux plus jeunes ?
    Indirectement, oui, vu qu’ils ont été les crash tests de toutes les recettes et actions qu’on a pu mettre dans le livre. On a tout testé ensemble, sauf la fabrication du compost. J’aime beaucoup leur faire lire tout ce que je fais. Je vois s’ils comprennent ou pas, si ça les fait rire ou pas…
  • Habiter le monde et y réfléchir touche à une réflexion philosophique et ça suscite aussi beaucoup d’échanges en famille.
    Oui… Cela fait partie de notre quotidien, comme ce sont nos convictions. Cela fait des années qu’on en parle et on a éduqué nos enfants comme ça. On ne fait pas des réunions de famille pour parler écologie ou zéro déchet. On l’a fait au début quand on s’est lancés dans la démarche, parce qu’il fallait leur expliquer pourquoi on se lançait là-dedans. Ils ont vite assimilé cela et ça fait partie de leur quotidien.
  • Vos enfants informent-ils les autres ?
    Je pense, oui. Je n’ai pas été témoin de ça, quoique… Des petites scènes de temps en temps… Il leur arrive même parfois de nous reprendre, nous, leurs parents ! Parfois on se prend un peu moins la tête, on se dit : « Pour cette fois, ça va… » Et eux nous disent : « Non mais, ça va pas ? » Une fois, je me suis fait engueuler parce que j’avais oublié les pailles. J’ai habituellement des pailles en inox dans mon sac et on était au café. Je leur prends un petit sirop. Et du coup, je leur dis : « Bah, vous le buvez sans paille, parce que j’ai oublié les pailles. » Et ils étaient scandalisés : « Non mais quoi ? T’as oublié nos pailles ? C’est pas possible ! Moi j’aurais bien aimé… Tu devrais les avoir tout le temps dans ton sac ! » Je leur ai dit : « Le jour où vous ferez le sac et que vous ferez la vaisselle, on en reparlera ! » Ils sont investis. Ça les touche. Ils essaient de faire au mieux. Parfois ils oublient. Ils ne sont pas rigoureux à 100 %. Ça reste des enfants. Soyons tolérants. Avec leurs copains, je sais qu’ils sont assez fiers de cette démarche. Quand on parle de goûter, de pique-nique, ils sont très fiers d’avoir leurs furoshikis, de ne pas avoir d’emballage dans leurs goûters, qui sont faits maison, et ils en parlent volontiers.
  • Est-ce que ça déteint à l’école ?
    Je pense. En général, les autres sont plutôt positivement curieux des pique-niques de mes enfants. Ils ne sont pas moqués. Notre fille est en cinquième maintenant. C’est là où les enfants commencent à être un peu cruels entre eux. Les institutrices ont tendance à nous appeler en nous disant : « On veut avoir une démarche zéro déchet cette année. Donnez-nous des conseils. » Donc j’ai l’impression que oui, ça déteint un peu à l’école.
  • Avez-vous songé à faire un livre ou des visuels pour les écoles ?
    De nombreux enseignants m’écrivent pour avoir des visuels. Je pense que le livre en lui-même est déjà une bonne base. Beaucoup d’instituteurs s’en servent. Il y a des associations qui le proposent, qui font des interventions dans les écoles, qui doivent avoir des supports pédagogiques, comme Zero Waste France3 par exemple. D’ailleurs, j’ai fourni pas mal de mes illustrations à l’association. Ils ont créé des petits livrets d’information, pour informer et sensibiliser.
  • Quelles initiatives vos enfants ont-ils prises au sein de la démarche presque zéro déchet familiale ?
    Souvent ils prennent les fêtes en main. C’est vrai que quand on s’est lancés dans le zéro déchet, c’est nous qui avons proposé de nouvelles solutions, cherché des idées avec eux : on a été l’impulsion. Aujourd’hui qu’ils sont un peu plus grands ‒ ils ont 9 et 12 ans ‒ ils anticipent. Ils savent que Halloween arrive. Ils m’en parlent avant même que je commence à prévoir. Pareil pour Noël. Je leur ai dit : « Vous êtes peut-être un peu grands pour avoir un calendrier de l’avent. » Et ils m’ont dit : « Mais non ! Pas du tout ! » Du coup, l’année dernière, ma fille m’a dit : « C’est moi qui vais le faire cette année ! » J’ai dit : « Ah ! Très bien. » Et elle a proposé un nouveau système. Son idée : prendre plein de petites pinces à linge en bois. Elle les a décorées et numérotées. On a acheté des chocolats et des bonbons en vrac. Elle a découpé dans mes chutes de tissu des petits carrés, elle a fait des petits paquets, qu’elle a attachés à chaque pince à linge et qu’elle a accrochés dans la chambre pour elle et son frère avec une ficelle. C’est elle qui a eu l’impulsion et qui a tout réalisé. C’était top !
  • Diffusez-vous encore l’actualité et des idées pratiques sur votre site Internet ?
    Notre site Internet est surtout axé sur l’aventure qu’a représenté pour nous notre première année presque zéro déchet. Les articles sont focalisés sur des moments précis de l’année. De temps en temps, je poste des recettes. Je me concentre plus sur l’actualité et les livres qui sortent.
  • Jérémie donne pas mal de conférences et vous vous concentrez sur le dessin ?
    Moi aussi, je donne des conférences, mais beaucoup moins, parce que c’est quand même nettement moins mon truc. La promotion des livres nous amène à intervenir, donc j’ai un petit peu appris à mieux parler en public. Ce n’est pas forcément ma tasse de thé… Jérémie, lui, tourne effectivement dans toute la France, et même à l’étranger, vers pas mal de destinations : en Belgique, en Suisse, même en Angleterre et au Maroc. Mon métier, c’est le dessin. Je suis autrice de bandes dessinées, donc je me concentre plus là-dessus. Dans mon activité professionnelle, je pars maintenant dans d’autres thématiques plus globales, avec toujours un gros fond d’écologie et d’environnement, parce que ça fait partie de mes convictions profondes. J’ai sorti en octobre une BD pour enfants qui parle d’un petit garçon qui s’appelle Slipi et on va parler de tout ce qui touche l’enfance, que ce soient les addictions aux écrans, les relations garçons-filles, le zéro déchet, l’environnement : un peu tous les sujets de société. Ça sort chez Thierry Souccar. Après le premier titre paru en octobre, trois autres vont sortir au fil de l’année 2021. Ce sont des BDs de petit format et d’une centaine de pages.
  • Le contenu des livres pour enfants évolue avec ce changement de société et toutes ces prises de conscience. Et les personnes qui, il y a dix ou vingt ans, voire plus, étaient considérées comme marginales avec ces centres d’intérêt ne le sont plus tellement.
    Non, parce que tout ça fait partie de notre quotidien maintenant. Ce n’est plus tabou. Je me rappelle, dans les années 2000, quand on parlait de développement durable, on nous prenait pour des fous. Aujourd’hui, tout le monde sait ce que c’est. Donc oui, c’est normal que la BD évolue de manière drôle et sympathique. On peut être fun en éduquant les enfants.
  • L’humour est un outil merveilleux pour surmonter des choses difficiles.
    C’est certain. C’est plus facile de parler de choses graves avec humour, même si le fond y est. Ça ne veut pas dire que ce qu’on dit n’est pas important et pas profond. Pour moi l’humour, c’est le meilleur des outils.

Pour aller plus loin :

Retrouvez le podcast de l’interview de Béatrice Moret par Ingrid van den Peereboom au micro de RCF dans le cadre de l’émission Vers une parentalité bienveillante :
https://rcf.fr/vie-quotidienne/famille/le-zero-dechet-avec-la-famille-presque-zero-dechet



1 Les Zenfants presque zéro déchet ‒ Ze mission, Jérémie Pichon et Bénédicte Moret, Éditions Thierry Souccar (2016).
2 La Famille presque zéro déchet ‒ Ze jeu, Bioviva. Un jeu fabriqué localement avec des encres végétales, sans plastique à l’intérieur ou pour l’emballage de transport.
3 https://www.zerowastefrance.org.

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