Les missions des sages-femmes
Depuis 2016, les prérogatives des sages-femmes ont été élargies. Cela a suscité de vifs débats et une critique forte de la part des gynécologues qui n’ont pas vu d’un bon œil une volonté du gouvernement de mettre en avant les compétences des sages-femmes. Celles-ci, comme l’ont découvert beaucoup de femmes à ce moment-là, ne sont pourtant pas uniquement des spécialistes de la grossesse et de l’accouchement mais bien des professionnelles qui accompagnent les femmes tout au long de leur vie.
Les sages-femmes accompagnent les femmes tout au long de leur vie. Avant, pendant et après la grossesse, elles proposent accompagnement, soin, prévention. Hors grossesse, elles assurent un suivi gynécologique de prévention, prescrivent si nécessaire une contraception (certaines assurent la pose d’un stérilet) et effectuent des échographies de surveillance ou de dépistage. C’est une information méconnue : on imagine que les sages-femmes ne s’occupent que de grossesse. Or elles sont tout à fait compétentes pour un suivi gynécologique, proposent généralement un accompagnement moins médicalisé que les gynécologues et font payer leurs services beaucoup moins cher. En cas de détection d’une pathologie, elles orientent la patiente vers un praticien compétent.
Avant la grossesse, les sages-femmes orientent le couple et peuvent proposer des examens biologiques lors de la visite préconceptionnelle. Pendant la grossesse, elles assurent le suivi mois par mois, font parfois les échographies systématiques (les trois échographies obligatoires), et proposent des séances de préparation à l’accouchement et à la parentalité. Sous réserve d’avoir suivi une formation complémentaire, elles pratiquent l’ostéopathie ou l’acupuncture. Il est conseillé par l’Ordre des sages-femmes d’avoir suivi une formation spécifique pour les échographies, mais cela n’est pas obligatoire1. Certaines praticiennes proposent d’autres types d’accompagnement, comme le yoga, la sophrologie ou encore l’hypnose.
Les sages-femmes assurent la surveillance lors du travail et de l’accouchement. S’il n’y a aucune complication, la présence d’un gynécologue n’est pas nécessaire. Elles dispensent ensuite les soins à la mère et au nouveau-né, et proposent, quelques semaines plus tard, des séances de rééducation périnéo-sphinctérienne.
Les sages-femmes ont aussi un rôle de prévention et d’information, et contribuent à repérer les maltraitances faites aux femmes (en les orientant, par exemple, vers des structures de prise en charge spécialisées, ou en rédigeant, sur demande de la patiente, un certificat médical descriptif).
Les nouvelles prérogatives des sages-femmes
Les sages-femmes pouvaient, avant 2016, administrer certains vaccins aux femmes enceintes et leur entourage jusqu’aux huit semaines qui suivent l’accouchement. L’article 127 de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a élargi la liste des vaccins pouvant être prescrits et administrés par les sages-femmes. Elles peuvent désormais vacciner les femmes contre la varicelle. Elles sont également habilitées à vacciner l’entourage de la femme enceinte contre la rubéole, la rougeole, les oreillons, le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la coqueluche, les infections invasives à Haemophilus influenzae de type B, l’hépatite B, la grippe et les infections invasives à méningocoque C. Rappelons que les sages-femmes vaccinent également les nouveau-nés contre la tuberculose (vaccin BCG) et l’hépatite B (en association avec des immunoglobulines spécifiques anti-HBs chez le nouveau-né de mère porteuse de l’antigène HBs)2.
Depuis 2016, les sages-femmes sont aussi autorisées à prescrire des substituts nicotiniques aux femmes et à l’entourage de la femme enceinte. Enfin, elles peuvent réaliser des IVG (interruption volontaire de grossesse) par voie médicamenteuse. Nouveauté bienvenue qui a pour but de faciliter l’accès à l’IVG et d’éviter à nombre de femmes d’aller avorter à l’étranger.
La colère des gynécologues obstétriciens
Les nouvelles prérogatives des sages-femmes ont réveillé un vieux débat entre sages-femmes et gynécologues obstétriciens. Ces derniers remettent en cause les compétences des sages-femmes, trop peu formées selon eux pour assurer certaines tâches, et dénoncent un risque pour « la surveillance médicale des femmes3 ». Alors que le ministère de la Santé rappelle dans une campagne que les sages-femmes ont un large éventail de compétences et peuvent assurer le suivi gynécologique d’une femme en bonne santé, les organisations de gynécologues affirment dans un communiqué que « les niveaux de formation et de compétence sont loin d’être les mêmes4 ». Selon ces organisations, consulter une sage-femme c’est risquer un « retard de diagnostic » et une mise en place de traitement trop tardive5, et le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF) dénonce « les prémices d’une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l’a jamais apprise6 ».
Aller voir une sage-femme serait donc dangereux ? C’est en substance le message que veulent faire passer les organisations de gynécologues qui ont décidément manqué de subtilité dans ce débat. Le message publié par Élisabeth Paganelli sur la page Facebook du SYNGOF à propos des arrêts de travail après une IVG médicamenteuse l’illustre bien, tout en montrant bien une différence fondamentale entre gynécologues et sages-femmes7 : chez les uns, l’humain n’a pas autant de sens que chez les autres. Madame Paganelli considère en effet qu’une IVG médicamenteuse sans complication ne nécessite pas d’arrêt de travail, et s’inquiète de la possibilité qu’ont les sages-femmes d’arrêter leurs patientes quatre à huit jours. Pour la gynécologue, une IVG se pratique en dehors du temps de travail, un arrêt n’étant nécessaire qu’en cas de complication. Il est incroyable qu’à aucun moment ne soit mentionné le bouleversement, voire le traumatisme que peut représenter une IVG, et la nécessité pour les femmes d’avoir du temps pour faire leur deuil.
Le combat des sages-femmes
L’Ordre des sages-femmes proclame sur son site Internet que « les sages-femmes françaises ne se sont pas résignées à devenir les auxiliaires des obstétriciens8». L’Ordre déplore la surmédicalisation des grossesses et des accouchements et le peu de possibilités permettant aux femmes qui le souhaitent d’avoir un accouchement naturel. Quant au Collège national des sages-femmes de France (CNSF), il rappelle que la gynécologie de dépistage et la régulation des naissances font depuis longtemps partie des compétences des sages-femmes (compétence reconnue par l’OMS), que la gynécologie fait partie de la formation de sage-femme, et que la majorité des professionnelles enrichissent leurs compétences par des formations complémentaires. Le CNSF aborde également la question de l’accouchement que de plus en plus de femmes souhaitent moins « technicisé » et plus respectueux de la physiologie, et le fait que la France, malgré une grande médicalisation de la grossesse et de l’accouchement, est loin d’être bien placée dans les enquêtes périnatales par rapport à ses voisins européens9. Vues les récentes polémiques sur les violences obstétricales, le débat sur le suivi des femmes, de leur grossesse et de leur accouchement n’est pas près de s’arrêter10. Et il est plus que nécessaire que les femmes parlent et se mobilisent pour ne plus être soumises aux règles établies par une catégorie de professionnels.
1 http://www.ordre-sages-femmes.fr/etre-sage-femme/competences/formation-complementaire
2 Pour une liste exhaustive des vaccins que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer : http://www.ordre-sages-femmes.fr/actualites/publication-de-larrete-du-10-octobre-2016-fixant-la-liste-des-vaccinations-que-les-sages-femmes-sont-autorisees-a-pratiquer
3 http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/06/30/la-bataille-entre-les-gynecologues-et-les-sages-femmes-est-rouverte_4960847_1651302.html#fBgPomPpmQ6vVqEW.99
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=602062559957377&id=476820815814886
8 http://www.ordre-sages-femmes.fr/etre-sage-femme/histoire-de-la-profession-3
9 http://www.cnsf.asso.fr/doc/59F592A9-5056-9C00-416891B3B62AB781.pdf
10 Quand on voit les réactions des organisations de gynécologues et d’une bonne partie du gouvernement, il semblerait que les violences obstétricales soient une affabulation. Or c’est une réalité. Voir à ce sujet les témoignages sur la page Facebook de Grandir Autrement : https://www.facebook.com/grandirautrement/photos/a.10150287342716271.380929.209547041270/10155252644221271/?type=3