Préparer ses seins pour l'allaitement ?

Rares sont les manuels de puériculture, les articles de magazine, les sites Internet qui, abordant le sujet de l’allaitement, ne parlent pas d’une « préparation » quelconque. Mais est-il nécessaire de se préparer à l’allaitement, et plus particulièrement de préparer ses seins ?

À ma connaissance, aucune femelle mammifère ne « prépare » ses mamelles à l’allaitement de ses petits. Si les femmes se croient obligées de le faire, et ce depuis toujours, c’est que, dans l’espèce humaine, l’allaitement n’est pas seulement naturel, mais aussi culturel. Et que chaque culture possède ses propres attentes, notamment par rapport à l’aspect des seins allaitants. En Occident, où les seins doivent rester hauts et fermes en toutes circonstances, on a peur que l’allaitement les fasse « tomber ». Et comme, en plus, l’allaitement est loin d’« aller de soi », on pense prévenir toutes les catastrophes qu’on anticipe (crevasses, douleurs, etc.) en « habituant » les seins au préalable, en les « endurcissant ».

Pas besoin d’« endurcir » les mamelons

On va donc conseiller de masser les seins avec de la crème ou de l’huile, d’étirer les mamelons, voire (ça se dit encore) de les frotter avec une brosse à dents.
Pourtant, tous les experts sont d’accord pour dire que, dans l’immense majorité des cas, les douleurs et crevasses sont dues à une mauvaise prise du sein en bouche par le bébé, et que toutes les préparations, toutes les crèmes appliquées en prévention n’y changeront rien.
Cela n’empêche pas, si on le souhaite, de se masser doucement les seins pendant la grossesse. Pour certaines femmes, cela aidera à apprivoiser l’idée que bientôt la bouche d’un bébé les happera avec une vigueur parfois étonnante.

Les seins se préparent tout seuls à l’allaitement

En fait, la partie la plus importante de la préparation se fait naturellement et automatiquement. Que la mère ait ou non décidé d’allaiter, son corps se prépare à l’allaitement tout au long de la grossesse : les seins augmentent de volume et peuvent devenir sensibles à mesure que les glandes mammaires situées à l’intérieur des seins se développent ; l’aréole prend une couleur plus foncée et les mamelons peuvent devenir plus durs et protubérants ; les glandes de Montgomery se développent.
Au cours du deuxième trimestre, les seins commencent à produire du colostrum. Certaines femmes remarquent qu’un peu de colostrum s’écoule de leurs seins vers la fin de la grossesse1.

Et si les mamelons sont rétractés ?

Pour y remédier, on a suggéré le port de coupelles à partir du dernier trimestre de la grossesse ou les exercices « de Hoffmann » destinés à assouplir le tissu péri-mamelonnaire. Mais l’efficacité de ces techniques a été fortement mise en cause par une étude où l’on avait demandé à des femmes ayant au moins un mamelon plat ou rétracté de porter des coupelles, ou de faire les exercices de Hoffmann, ou les deux, ou de ne rien faire. Résultat : le taux d’allaitement à l’arrivée était le plus élevé… chez celles qui n’avaient rien fait !
En fait, si l’on veut bien se souvenir que le bébé tète l’aréole et non le mamelon, on comprend qu’il est plus important de montrer à la mère comment faire prendre à son bébé une bonne « bouchée de sein » que de l’inciter à manipuler ses mamelons pendant la grossesse, pour un résultat douteux.

Dans la tête

Et le reste de la préparation, celle qui peut faire la différence entre un allaitement réussi et un allaitement raté, elle se fait dans la tête : il s’agit de s’informer, de lire, de rencontrer des femmes qui allaitent, notamment dans les groupes de mères, de s’enquérir des pratiques en matière d’allaitement dans le lieu où l’on a prévu d’accoucher, de connaître le comportement normal d’un nouveau-né… Bref, de recréer pour soi et autour de soi une culture de l’allaitement qui mette en échec la culture dominante du biberon.


Récemment, certains ont suggéré de tirer un peu de colostrum en toute fin de grossesse, de le stocker dans une petite seringue et de l’apporter à la maternité pour le cas où il faudrait donner un complément au nouveau-né. Voir l’intervention de Diana West à la Journée internationale de l’allaitement, 29 mars 2013.

Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau

Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau s’intéresse depuis plus de 40 ans à tout ce qui tourne autour de la grossesse, de la naissance, de l’allaitement, du maternage et des bébés. Elle est animatrice de LLL France, dont elle a été la présidente dans les années 1990. Elle a écrit de nombreux ouvrages sur ces thèmes, Derniers parus : Ne pleure plus bébé, L'allaitement maternel (nouvelle édition), Petit guide de l'allaitement pour la mère qui travaille (nouvelle édition), Album tendresse de la jeune maman (nouvelle édition), Allaiter plus longtemps, Le cododo, pourquoi, comment (nouvelle édtion).

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