Des toilettes sèches à la maison

Le « pipi » et le « caca » sont des sujets tabous dans notre société et il est donc convenu pour tous (ou presque) de tirer la chasse d’eau afin de passer rapidement à autre chose. Pourtant, on entend de-ci de-là parler des toilettes sèches. On en voit de plus en plus, en installation fixe dans certains éco-lieux ou provisoire lors d’événements publics comme des concerts,  des marchés ou autres manifestations.
Mais qu’en est-il vraiment, pourquoi les toilettes sèches sont-elles écologiques, comment fonctionnent-elles, quelles sont les lois en vigueur et comment les mettre en place dans nos habitats ?

Selon les études1, la consommation de l’eau en France se répartit de la manière suivante : 39 % pour les bains et les douches, 20 % pour les WC, 12 % pour le linge, 10 % pour la vaisselle, 6 % pour la préparation de la nourriture, 6 % pour les usages domestiques divers, 6 % pour le lavage de la voiture et l’arrosage du jardin, 1 % pour l’eau potable. Nous avons parlé, dans le numéro 70 de Grandir Autrement, de l’eau, ressource vitale, malheureusement tarissable. Alors faire nos besoins d’élimination dans de l’eau potable n’est-il pas exagéré et évitable ? En France2, en moyenne, neuf litres d’eau sont évacués à chaque chasse tirée. Et si le système de chasse d’eau a plus de quinze ans, cela peut doubler. Sachant qu’une personne va en moyenne quatre fois par jour aux toilettes, cela représente trente-six litres d’eau par jour et par personne ; pour une personne et une année, treize mille cent quarante litres d’eau potable. Et si cette personne va aux toilettes pendant quatre vingts ans, elle aura utilisé un million cinquante mille deux cents litres d’eau pour évacuer ses excréments ! J’arrête ici les calculs et vous laisse multiplier par le nombre de Français, d’Européens, etc.

L’eau et les excréments ne font pas bon ménage…

L’eau est un milieu où la minéralisation de la matière organique (donc des excréments) se fait très lentement. C’est un milieu anaérobie, ce qui favorise une fermentation et non une décomposition ou un compostage. De plus, lorsque les organismes pathogènes sont directement immergés, ils retrouvent un milieu qui leur est favorable et de ce fait prolifèrent. Pour y remédier, ces eaux souillées doivent être nettoyées afin d’éviter que ne se propagent les microbes et autres substances dangereuses. Pour cela, il existe des usines, nos célèbres stations d’épuration. Dans ces usines, une succession de traitements permet de séparer l’eau des déchets qu’elle contient. Il faut savoir qu’une eau « épurée » n’est pas une eau potable, elle est donc reversée dans la nature. Plus de cinq milliards de mètres cubes d’eaux usées3 sont à traiter chaque année et il y a pour cela environ vingt mille stations d’épuration qui sont en fonctionnement. Ces usines ont un bilan de dépense énergétique énorme et coûtent des milliards d’euros chaque année.
Grâce à leurs déjections, les ours et autres mammifères ont sélectionné et planté de délicieux fruits un peu partout autour du globe. Grâce à leurs fientes, les oiseaux ensemencent le sol et le nourrissent pour le rendre toujours plus fertile. Et notre caca à nous « c’est de la merde » ? Eh oui, nos excréments n’ont pas bonne presse et on en a même fait une expression.

Comment ça fonctionne ?

Le contenu des toilettes sèches est régulièrement vidé dans une aire de compostage prévue à cet effet. C’est donc par le principe du compostage que les agents pathogènes sont éliminés et transformés. Les toilettes sèches dans lesquelles les urines et les selles sont mélangées sont appelées toilettes à litière bio-maîtrisée. Elles ont un coût d’installation très peu élevé (voire nul) car il suffit de disposer d’un seau en métal ou en plastique et de sciure de bois. Pour la sciure, l’idéal est un mélange de sciure et de copeaux de bois : la sciure absorbe les odeurs et les copeaux permettent au compost une bonne aération. Quant à son utilisation, c’est très simple, une couche de sciure est déposée au fond du seau au départ puis une tasse est ajoutée après chaque visite. Ça sent bon et les enfants se prêtent facilement au jeu ! Pour trouver de la sciure et des copeaux, il suffit de téléphoner aux scieries, car bien souvent, se sont des déchets non valorisés mis à disposition gratuitement. Environ un mètre cube de copeaux permet une autonomie de huit à dix semaines pour une famille de quatre personnes. L’apport organique qu’est la sciure est indispensable car il donne le carbone nécessaire à un bon compostage, absorbe l’urine et donc les odeurs. Il empêche les réactions enzymatiques qui transforment l’urine en ions ammoniacaux puis en ions nitrates et nitrites qui provoquent des odeurs. Le blocage des réactions enzymatiques n’a lieu qu’en milieu humide, donc en présence d’urine. C’est pour cela que l’on ne devrait pas séparer l’urine et la matière fécale.

Le compostage

Il se fait à l’extérieur. L’idéal est de prévoir un espace de compostage à même le sol (ce qui est contraire à l’article numéro 17 de la loi : voir paragraphe suivant sur la réglementation) et à l’ombre. Les paramètres essentiels pour réaliser un bon compost sont le rapport carbone/azote qui va influencer le bon développement des organismes vivants du compost, l’humidité, l’oxygénation, le pH et la température. Il faut éviter si possible d’exposer le compost au soleil et aux vents dominants et le protéger en cas de fortes pluies. La matière organique doit être entassée de façon à laisser l’oxygène, nécessaire aux champignons humidificateurs, y pénétrer. Il ne faut donc ni composter dans un trou, ni couvrir le compost. Le processus de compostage se passe en trois étapes de maturation faisant chacune intervenir des processus biologiques dont les acteurs varient selon le stade d’évolution du compost. Au bout de deux ans, le compost est optimum et peut être utilisé pour tous les usages du potager et du verger sans le moindre risque sanitaire.

Comment faire en appartement ?

Certains rajoutent des toilettes et d’autres démontent les toilettes d’origine en bouchant le trou d’évacuation des égouts et l’arrivée d’eau. Il suffit ensuite de fabriquer un caisson en bois avec une structure de chaise par exemple. L’avant est fermé par un tissu ou un morceau de bois amovible. En ville, la plupart des gens achètent des seaux munis d’un système de fermeture afin de le transporter sans risque et discrètement. Certains achètent des sacs compostables étanches et les placent dans le seau. Quand ce dernier est plein, ils partent le vider à la déchetterie avec les déchets verts (puisque c’est de la sciure). Un jour peut-être, il existera des aires de compostage collectif dans les villes ou les quartiers, prévues pour valoriser nos excréments…

La réglementation applicable depuis 20094

La loi autorise les toilettes sèches mais malheureusement avec des conditions ne permettant pas un bon compostage. À la page 6 du Journal Officiel daté du 9 octobre 20095, il est précisé que : « Art. 17. − Par dérogation à l’article 3, les toilettes dites sèches, […] sont autorisées, à la condition qu’elles ne génèrent aucune nuisance pour le voisinage, ni rejet liquide en dehors de la parcelle, ni pollution des eaux superficielles ou souterraines. Les toilettes sèches sont mises en œuvre :
-soit pour traiter en commun les urines et les fèces. Dans ce cas, ils sont mélangés à un matériau organique pour produire un compost ;
-soit pour traiter les fèces par séchage. Dans ce cas, les urines doivent rejoindre la filière de traitement prévue pour les eaux ménagères
[…].
Les toilettes sèches sont composées d’une cuve étanche recevant les fèces ou les urines. La cuve est régulièrement vidée sur une aire étanche conçue de façon à éviter tout écoulement et à l’abri des intempéries. Les sous-produits issus de l’utilisation de toilettes sèches doivent être valorisés sur la parcelle et ne générer aucune nuisance pour le voisinage, ni pollution. »

Développement durable

Les toilettes sèches sont une véritable démarche de développement durable, et permettraient de diminuer la pollution par les nitrates et de réduire considérablement les problèmes liés à l’eau. Ce sont des systèmes autonomes qui peuvent être installés facilement et n’importe où puisqu’ils n’impliquent pas de raccordement en eau et en électricité. Lors de la construction, rien n’interdit la créativité, du plus simple au plus farfelu !


Jenny Balmefrézol-Durand

Ardéchoise d'adoption, j'habite avec ma famille en pleine nature dans une petite ferme traditionnelle. Je suis une Maman-Passion de trois enfants. Je vis un quotidien passionnant et rebondissant entre le travail à la ferme (agriculture biologique, permaculture), l'instruction en famille en unschooling, mon activité de doula, énergéticienne, d'art-thérapeute et l'écriture. Notre ferme est un lieu de vie et d'expérience où le projet est de relancer des savoir-faire ancestraux et vivriers dans le but d'une acquisition d'autonomie et de partage. Nous nous intégrons dans un réseau solidaire de nombreuse familles ardéchoise que se soit pour la paysannerie, la parentalité bienveillante ou l'IEF. Nous militons au quotidien par notre mode vie, nous sommes engagés pour un « mieux vivre » et ensemble de préférence!

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