Allaiter partout : liberté, simplicité et militantisme

Allaiter son enfant facilite grandement la vie quand il s’agit de sortir, se balader, aller voir des amis, faire les courses, etc. Nous n’avons besoin de rien hormis nos seins (toujours à disposition, la nature est bien faite), et nous pouvons nourrir notre enfant n’importe où. Si les débuts peuvent être hésitants, le temps passant, nous agissons avec plus de naturel et d’aisance. Malheureusement le regard sur les femmes qui allaitent en public n’est pas toujours bienveillant et constitue un véritable frein à un allaitement libre et sans complexes.

Inutile de trimballer avec soi le sac avec biberon, bouteille d’eau et dosettes de lait, et si urgence il y a, il n’est même pas nécessaire de trouver un endroit où s’installer, l’allaitement pouvant se faire dans l’écharpe, le porte-bébé ou à bras ! Une petite faim, une soif quand il fait trop chaud, un bobo, une frayeur, le bébé ou bambin peut venir se réfugier contre le sein réconfortant de sa maman. Et ce, quel que soit l’endroit. Le parc, la plage, un magasin, un musée, le restaurant, le cinéma, chez de la famille ou des amis, dans la rue… Nous sommes conditionnés à penser que sortir avec un tout-petit est toute une expédition, alors qu’un moyen de portage et le sein à disposition rendent les choses d’une grande simplicité. Combien de parents pensent que pour donner une tétée il faut trouver un endroit où s’installer, à l’abri des regards, du froid, du vent, du soleil… ? Pour téter, un enfant a simplement besoin du sein de sa mère. Bien sûr il est plus agréable de trouver un endroit et une position confortables, mais soyons souples et faisons autrement quand c’est nécessaire. De plus, aujourd’hui, les vêtements de portage rendent les choses très simples (les manteaux de portage permettent par exemple au bébé de téter tout en restant bien au chaud ou au sec sous le manteau, et, pour celles qui souhaitent rester discrètes, à l’abri des regards).

Pour aller au plus simple, écouter les besoins de l’enfant

Nous en revenons toujours au même, finalement : pour vivre son allaitement simplement, il suffit de suivre les besoins de son enfant. J’ai souvenir d’une maman qui, lors d’une promenade en forêt, a porté son bambin de 2 ans à bras pendant une bonne partie de la promenade pour lui permettre de téter. Moi-même, j’ai fait téter mes enfants partout et en toutes circonstances (et je continue), avec l’aide de mes écharpes de portage qui m’ont permis de pouvoir allaiter tout en continuant mes activités. Se permettre d’allaiter partout, c’est s’autoriser à faire ce que l’on souhaite sans s’organiser en fonction des repas de l’enfant. Certaines mères, parce qu’elles sont conditionnées par l’image que l’on donne de l’allaitement (la maman confortablement installée dans un fauteuil, faisant téter son bébé dans la position de la madone, au calme, sans personne autour), pensent qu’elles doivent s’asseoir pour faire téter leur bébé et s’isoler. L’isolement revient souvent dans la presse parentale : si le bébé est distrait, il ne tète pas leur dit-on. Il faudrait aussi une lumière tamisée, du silence. Bref, favoriser la concentration de Bébé pour sa tétée. Il me semble pourtant que si un tout-petit a faim, il tètera. Pas forcément d’une traite (il aura peut-être envie de faire des pauses pour regarder autour de lui), mais il se nourrira : un enfant ne se laisse pas mourir de faim. Je proposerais bien à ceux qui prêchent cette théorie de l’isolement d’aller manger seuls dans leur chambre car discuter avec leur entourage et regarder ce qui les entoure pourrait les empêcher de finir leur assiette… Cela nous amène à constater encore une fois que la société veut isoler les enfants dans un microcosme : ils ne peuvent pas se mêler au monde, à ce qui les entoure, et sont confinés à un univers particulier et très limité.

Le regard des autres (encore et toujours)

© Stéphane Jolivet

Aujourd’hui, certaines mères ont parfois la déconvenue de subir des remarques déplacées ou des regards jugeants quand elles nourrissent leur bébé dans un endroit public. Isa a par exemple entendu une phrase d’une grande subtilité : « Tu as de beaux seins, c’est bien, ils sont faits pour allaiter. » Quand allaitement et objectisation de la femme se rencontrent… Faustine, quant à elle, a été interpellée par une autre mère alors qu’elle faisait téter son bambin sur un banc : on lui a demandé de cacher son sein sous le prétexte qu’elle exposait « sa nudité ». Cela a malheureusement signé la fin des tétées en extérieur pour elle et son enfant. Allaiter devant d’autres personnes suscite aussi souvent des questions et remarques, particulièrement quand on allaite un enfant de plus de 3 mois. Carole a été fatiguée des sempiternels « Tu vas l’allaiter combien de temps ? », « Elle ne va jamais se détacher de toi », « C’est à cause de l’allaitement qu’elle ne supporte pas d’être séparée de toi la nuit », etc. Elle a choisi d’y répondre par l’humour plutôt que rentrer dans des débats énergivores, et de vivre sa parentalité dans sa bulle pour la vivre en toute sérénité. Citons aussi toutes ces mères qui, sans avoir forcément reçu de remarques, se cachent pour allaiter. Se cache-t-on pour donner un biberon ? Cela ramène à l’érotisation du corps de la femme et à la honte qui colle à notre perception du corps féminin : le sein n’est pas nourricier, il est sexué.

Allaiter «en public»?

Il est intéressant de s’attarder sur cette expression. Pourquoi dire qu’on allaite en public ? Parce qu’il y a un côté subversif à l’idée d’exposer son sein. Pourtant, on ne dit pas d’une femme qui est seins nus sur la plage qu’elle bronze « en public ». Encore moins d’un homme qui enlève son t-shirt (un sportif par exemple après un match) qu’il se met torse nu « en public ». En revanche, une femme qui allaite, apparemment, s’expose. Rien de plus intimiste pourtant que ce geste, de plus privé, la femme qui nourrit son bébé est toute à lui, ce sein sorti ne concerne que l’enfant et, en lui offrant, la mère se place, et place son bébé avec elle, dans une bulle. Ce moment, il ne regarde qu’eux. Tout comme deux amoureux qui s’embrassent dans la rue sont dans leur propre univers : c’est leur moment, ça ne concerne pas les autres. Finalement, ce qui dérange peut-être avec l’allaitement, c’est cette notion d’étreinte par le sein. Le biberon ne dérange pas car il est perçu comme plus distancié, on ne retrouve pas dans ce type de nourrissage la fusion que permet l’allaitement (ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas fusion entre la mère et son bébé : elle se fait autrement). L’allaitement n’est pas que du nourrissage, c’est aussi une étreinte, un câlin. Ce sein proposé au nourrisson choque car il devrait, selon beaucoup, être la propriété des hommes. Le sein, c’est le jouet sexuel de l’homme. D’ailleurs, l’exposer dans les publicités ou au cinéma pour satisfaire le regard masculin ne choque pas ou peu. En revanche, un petit bout de sein (car quand le bébé tète, il cache la majeure partie du sein) sorti pour nourrir un enfant scandalise, au point que dans certains restaurants, on demande aux mères d’allaiter leur bébé aux toilettes… Encore une fois, j’aimerais inviter ce type de personnes à aller manger leur assiette aux toilettes puisque semble-t-il c’est un lieu convenable pour y prendre son repas.

Changer les mentalités

Ce genre d’anecdote montre à quel point les mentalités ont été perverties concernant le corps de la femme. D’une : le corps de la femme ne lui appartient pas, il appartient à la société patriarcale qui décide quand et comment il doit être exposé et touché. De deux : il apparaît normal qu’on doive faire patienter un bébé qui a faim, l’isoler dans des lieux parfois sordides et sales, le couper d’occasions d’observer le monde et les autres. De trois : la retenue volontaire de nombreuses femmes allaitantes qui se cachent ou n’osent allaiter à l’extérieur montre à quel point nous, femmes, avons honte de notre corps et n’osons en disposer comme nous l’entendons.
Non, notre corps n’est pas honteux et oui, nous allaitons nos enfants quand et où nous le voulons. Non, sortir son sein devant d’autres personnes pour nourrir son enfant n’est pas choquant. Ce qui l’est, c’est le regard insistant de certain.es sur notre poitrine pendant que notre bébé tète. Plus la société verra des femmes allaiter partout, que ce soit leur nourrisson ou leur jeune enfant, plus ce type de comportement aura de chances de disparaître. Alors vive les tétées en plein air !

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